Sur quatre décennies

L’année 1984 voit la constitution de l’Association du Prix du Livre Corse. Autour de Roccu Multedu, son président, ils se trouvent une dizaine à discuter littérature parmi lesquels Jean-Patrice Marzocchi (le fondateur), Pierre-Louis Alessandri, Jean-Dominique Poli, José Morellini, Dominique Franzini, Marie-Josée Mancini, Jean-Jacques Colonna d’Istria, Jean-Marie Arrighi, Vincent Stagnara, Tony Graziani. Dès le mois de Juillet, à Bastia, sur les remparts de la citadelle, sont décernées les premières récompenses.

Au début, deux prix s’adressent aux fictions écrites en corse comme en français qu’il s’agisse de roman ou de poésie. Cependant, la vigueur de la création littéraire corse pousse à des arbitrages souvent douloureux, du fait d’écritures scientifiques, académiques ou journalistiques. Aussi, à partir de 2011, le jury innove-t-il avec un prix qui, sous la catégorie « essais », désigne les études ou documents liés à l’état de la société corse, à son histoire…

Alors que la composition du Jury se remodèle au fil du temps, le rituel de la remise des prix inuguré au début des années 1980, se perpétue ainsi, dans une continuité exceptionnelle sur quatre décennies…

Une association indépendante

La création de cette association a pu venir à la faveur du renouveau culturel qui exprimé dans les années 1970 a stimulé à la fois l’affirmation d’une expression littéraire multiple sur la « scène » corse et la mise en place d’une filière insulaire du livre. Aussi, l’objet moral qu’elle s’est donné reste de faire connaître les œuvres qui, en langue française et en langue corse, témoignent par leur style, leur inspiration, leur caractère, d’une expression littéraire ancrée dans l’île, d’une expérience d’écriture, ce rapport solitaire à la page et à l’image… Cette association se veut indépendante, principe, rappelé par l’article 6 de ses statuts, qui garantit l’intégrité de ses travaux notamment par le recrutement diversifié de ses membres choisis parmi des lecteurs avertis et non partisans.

Sans aucun doute, elle se conçoit comme un des maillons de la chaîne du livre qui, en Corse, unissant l’écrivain, l’auteur, à ses lecteurs, passe par l’éditeur, le distributeur, le libraire, les institutions culturelles officielles. Sans aucun doute aussi, et son « voyage » à travers l’île en témoigne, le Jury du Prix du Livre corse se veut au plus proche du terrain. C’est une association qui depuis plus de trente ans sillonne les territoires, dans la plus profonde ruralité, pour dire que la littérature ne vit qu’auprès de ses publics, femmes et hommes qui, dans de lointains isolements, s’approprient les œuvres, les interprètent…

Le livre au village...

La préparation, une année durant, de la remise des prix fixe le travail de l’équipe du Jury du Prix du Livre Corse. En effet, lectures, sélections, réunions préparatoires drainent une intense activité qui vient en amont de ce point d’orgue annuel. Les livres éligibles doivent être édités durant  l’année qui précède celle de la remise des récompenses.  La préparation de la cérémonie de remise des prix, manifestation phare, qui oblige à une élaboration logistique importante, promet à chaque édition de belles rencontres dans une convivialité à chaque fois renouvelée. Le parti pris d'organiser cet évènement en un lieu différent chaque année participe de l'idée de lier la chaine du livre à ses publics pris dans leur diversité, la diversité et le morcellement fécond de notre île. Porter le livre vivant au plus prés des lecteurs dans la variété de leur "nid" géographique, voilà le projet, un projet d'échanges entre auteurs et lecteurs, entre écriture et lecture, la volonté d'exposer les processus de production et d'édition autant que la dimension esthétique, artistique du livre... Derrière chaque village, un vécu, une histoire, un environnement: voilà aussi pourquoi, à chaque étape de notre "voyage" dans l'ïle de Corse, nous demandons à des auteurs, des chercheurs, des érudits, de témoigner pour leur sensibilité au lieu à travers des conférences données en place publique où le discours et le livre, les mots, prennent leur droit de cité. Dans cette perspective, il faut aussi comprendre le choix délibéré de ne pas rétribuer les lauréats mais de les récompenser par un objet d'art. Ecrire, produire un livre, l'éditer, reviennent à des démarches partagées dans les métiers d'arts, démarches culturelles. Voilà pourquoi, des artisans distingués ont participé à l'histoire du Jury. Abel Raclot, grand ébéniste de Castagniccia, Pierre Filippi, bijoutier dans les ruelles du Vieux Port de Bastia, Jean Dominique Susini, maître coutelier...

Progressivement, le groupe s’ouvre à des activités périphériques, notamment des cycles de conférences