Cinq lauréats pour le Prix du Livre corse 2024

 

Sylvain Gregori, Ghjuvan Ghjaseppiu Franchi, Flavia Mazelin-Salvi

Ghjacumina Geronimi, Paula Bussi et Antoine Noble Marchini

honorés à Bastia le 13 octobre lors d’une cérémonie officielle

 

 

 Réuni à Corte dans le cadre de l’Hôtel du Nord sous la présidence de Jocelyne Casta, le Jury du Prix du livre corse a désigné après un débat, les lauréats de l’année 2024. Parmi les ouvrages primés, la section littérature jeunesse confirme de nouveaux talents chez les auteurs et les illustrateurs.

   Les auteurs et autrices distingués recevront leurs prix samedi 13 octobre à Bastia lors d’une cérémonie officielle qui aura lieu dans les jardins du palais des Gouverneurs. L’événement sera couplé avec la commémoration du 40e anniversaire du Prix du Livre corse créé à Bastia en 1984 par un groupe de pionniers désireux de mettre en valeur la production littéraire de l’île. Chaque année sont ainsi distingués romanciers, historiens et poètes qui racontent la Corse en langue française comme in lingua nustrale.

  À l’issue de la remise des prix, deux conférences intéressantes sont prévues :

- La gravure, un moyen de diffusion des canons du Baroque continental italien dans la peinture corse par Michel-Edouard Nigaglioni, historien de l'art  

 - Marins et marchands entre Corse et terra ferma (XVIe – XVIIIe siècles) par Jean-Christophe Liccia, historien.

 

Le palmarès :

- Catégorie Essais : Sylvain Gregori Nouvelle Histoire de la Résistance en Corse - Tome 1 et Tome 2. Ed Piazzola
- Catégorie Fiction en français : Flavia Mazelin Salvi. Francardo Nagori. Ed Punto e basta.
- Catégorie Corse : Ghjuvan Ghjaseppiu Franchi. Mythologies d’une langue. Albiana
- Catégorie Ghjuventù : Ghjacumina Geronimi et Paula Bussi. Scumbugliu in l’universu. Co édition Eoliennes / ADECEC.
Mention spéciale :
- Antoine-Noble Marchini : Le temps. La confiance. L'argent... Giuseppe Gregorj, marchand banquier en Corse (XIXe siècle). Albiana

 

 

- Essais : Sylvain Gregori. Nouvelle Histoire de la Résistance en Corse. Editions Piazzola, Ajaccio

En exhumant une masse essentielle de documents inédits retrouvés dans les archives départementales et privées, mais également dans les fonds du Service historique de la Défense à Vincennes, l’historien Sylvain Gregori vient éclairer d’un jour nouveau des pans entiers de la Seconde guerre mondiale, retouchant le récit qui en a été fait jusqu’ici. Fruit d’années de recherches, sa monumentale Nouvelle Histoire de la Résistance en Corse décrypte en deux tomes la situation complexe née de la guerre, mettant l’accent sur les rapports entre la Résistance et une société insulaire partagée entre italophobie et anglophilie. Au grand jour comme dans l’ombre, des hommes risquent leur vie pour la liberté. Soucieux de ne pas « ressasser les mêmes faits et les mêmes erreurs, » Sylvain Gregori entend « démystifier une historiographie régionale bloquée. »

  Selon Jean-Paul Pellegrinetti, Sylvain Gregori « nous permet de mesurer comme ce fut déjà le cas lors de la Grande Guerre, la manière dont le second conflit mondial et les occupations italiennes et allemandes vont redessiner les contours de l’identité insulaire. » Cette étude méticuleuse sur la période 1940-1943 fera date.

 

- Fiction : Flavia Mazelin Salvi. Francardo Nagori. Ed Punto e basta, Ajaccio
 À travers sa mise en page originale, Francardo Nagori fleure bon l'enfance insouciante et le village protecteur. L’omelette au brocciu au parfum de menthe que Flavia prépare dans sa cuisine à Paris, agit comme une madeleine de Proust, restituant par la mémoire olfactive tout un univers affectif qui n’est plus, mais qui a laissé une trace ineffaçable, que l’on nomme nagori en japonais. Cette simple omelette a le pouvoir de transporter l’autrice loin de Paris, à Francardo, dans la cuisine de sa grand-mère Ernestine. Ceux qui ont gardé dans les plis profonds de leur âme, une part de nagori, se reconnaîtront dans cet hymne à la mémoire des ancêtres et à la nostalgie des racines que livre avec émotion Flavia Mazelin Salvi.

 

- Catégorie corse : Ghjuvan Ghjaseppiu Franchi. Mythologies d’une langue. Editions Albiana, Ajaccio

Retrouver « l’esprit » de la langue corse à travers les mots, les expressions, mais aussi les proverbes et les chants qui l’ont façonnée depuis des siècles en lui donnant son identité propre, c’est le défi relevé par Ghjuvan Ghjaseppiu Franchi dans Mythologies d’une langue. Pour mener à bien cette recherche de longue haleine, l’auteur figure majeure du Riacquistu et animateur de la revue Rigiru, s’appuie sur des outils modernes tels que la sociologie et l’ethnohistoire. Amenant sa réflexion à la manière de Roland Barthes de façon thématique – l’eau, l’amour, la mort – l’auteur n’excluant aucun procédé rhétorique, va de tautologie en métonymie, mettant les rieurs de son côté malgré le sérieux du sujet. C’est l’ignorant qui un sà fà un O di canna, et c’est l’avare qui vi conta i bucconi in bocca.

« Pour l’heure, les études corses ont fait peu d’incursions dans le champ du mythe » remarque de Patrick Cerutti, majorant d’autant l’intérêt du propos de Ghjuvan Ghjaseppiu Franchi, nouvel archéologue de la langue corse.


- Littérature jeunesse : Ghjacumina Geronimi et Paula Bussi. Scumbugliu in l’universu. Co édition Eoliennes(Bastia)  / Adecec (Cervioni).

Ghjacumina Geronimi, auteure de Scumbugliu in l'universu et de nombreux ouvrages pour enfants, a choisi d’explorer les mystères nocturnes de l'univers en association avec l'illustratrice Paula Bussi. Ce livre aborde des thèmes universels de fraternité et d'humanité, enrichissant l'imaginaire des enfants. Les illustrations de Bussi, avec leurs couleurs nocturnes et mouvements inspirants, complètent parfaitement le texte captivant. La langue, à la fois belle et accessible, enrichit le répertoire des jeunes lecteurs.

À travers cette nuit magique dans l’univers, Ghjacumina et Paula font scintiller les yeux des plus petits.
 

Mention spéciale :-Antoine-Noble Marchini. Giuseppe Gregorj, marchand banquier en Corse (XIXè siècle), Editions Albiana, Ajaccio

Explorant minutieusement l'économie de la Corse du début du XIXe siècle à partir des archives privées du banquier Gregorj, Antoine-Noble Marchini ouvre une perspective inédite sur les transformations économiques et sociales d’une époque dont Gregorj est à la fois l’acteur et le témoin. Seul banquier de l'île, il a joué un rôle crucial, révélant, entre les influences françaises et italiennes, les ambitions et les enjeux politiques d’une société découvrant les arcanes du négoce à travers le secret bancaire, illustrant ainsi le rôle grandissant de la ville de Bastia à la Restauration. Avec cette étude rigoureuse et passionnante, Antoine Noble Marchini comble une lacune historiographique majeure. Un ouvrage fondamental pour qui s'intéresse à l'histoire de la Corse, et qui à ce titre méritait amplement d'être salué.

 

                                                                              JEAN-PIERRE GIROLAMI